Homélie du 25ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 15 septembre 2012
Deux camps
Textes bibliques : Lire
Les lectures bibliques de ce dimanche mettent face à face deux camps, celui des “impies” et celui des “justes”. Les justes sont ceux qui vivent dans la droiture, la paix, la miséricorde. Face à eux, nous rencontrons ceux qui vivent dans les rivalités, les conflits, la convoitise, les bas instincts. Sur leur chemin, les impies rencontrent le juste. Par sa seule présence, ce dernier devient un reproche vivant à leur conduite. Il n’est pas besoin de lancer une “guerre sainte” contre eux. C’est au témoignage d’une vie droite, entièrement donnée à Dieu et aux autres que nous serons reconnus comme disciples du Christ.
L’auteur du livre de la Sagesse (1ère lecture) constate que ses frères abandonnent les pratiques de leurs pères. Ils finissent par se tourner vers les religions païennes. Ce croyant fidèle est exposé aux persécutions de ses plus proches. Pour les chrétiens d’aujourd’hui, cela n’a guère changé. Dans de nombreux pays, ils sont persécutés, critiqués, tournés en dérision. Mais l’auteur du livre de la Sagesse continue à nous inviter à garder toute notre confiance en Dieu. Même s’ils réussissent à nous tuer, Dieu ne nous abandonnera pas. Tenez bon, nous dit-il, le vrai bonheur est en Dieu. La vraie sagesse est dans la fidélité.
Dans la lettre de saint Jacques (2ème lecture), nous rencontrons cette même opposition entre deux sagesses, deux comportements : D’un côté, il dénonce les jalousies, les rivalités, les conflits, les guerres. Son but, c’est de mettre en valeur la paix, la tolérance, la compréhension, la justice, la miséricorde. Nous avons là deux manières de vivre qui s’opposent : d’un côté celle qui reste terrestre, animale, démoniaque ; à l’opposé, nous trouvons celle qui vient de Dieu. C’est vers elle que nous devons tendre, celle de Jésus doux et humble de cœur.
Saint Jacques ne nous dit pas qui est visé dans ses propos. Mais en y regardant de près, nous voyons bien que nous sommes tous concernés. Les convoitises qui entraînent les violences et les guerres sont bien présentes dans le monde. Les conflits familiaux et entre voisins sont toujours là. Saint Jacques nous invite tous à nous tourner vers le Seigneur pour obtenir la seule vraie sagesse qui vient de lui. Toute autre prière est inutile. Elle peut même être mauvaise si nous persistons à nous enfoncer dans la jalousie et la convoitise. Ce que nous devons demander, c’est la vraie sagesse, c’est l’amour de Dieu et celui de tous nos frères.
L’évangile nous montre également cette opposition entre l’esprit du monde et l’esprit de Dieu. Pour le comprendre, il faut se rappeler qu’il se situe juste après la Transfiguration. Sur la montagne sainte, Jésus a montré à Pierre, Jacques et Jean la gloire de Dieu qui est en lui. Et ils ont entendu la voix du Père qui le déclarait “Bien-aimé de Dieu”. Ils s’attendent donc, pour lui, à un destin glorieux. Cette victoire était déjà annoncée dans l’Ancien Testament : le Livre de Daniel nous parle du “Fils de l’Homme” que Dieu a envoyé pour faire triompher la justice. Il utilise des images très fortes qui nous disent sa puissance et sa grandeur.
Mais avant cela, Jésus annonce qu’il va affronter la souffrance et la haine des hommes. Il sera arrêté, condamné comme un vulgaire malfaiteur et mis à mort sur une croix. Alors là, les disciples ne comprennent plus. Saint Marc ne cherche pas à enjoliver l’histoire. Il nous montre des hommes “comme tout le monde”. Mais le plus important c’est qu’ils sont en marche sur le chemin de la vraie conversion. Ils découvriront progressivement que le vrai Messie n’est pas celui dont ils rêvent. Nous aussi, nous avons sans cesse à changer notre regard sur Jésus. Pour nous y aider, nous nous mettons à son écoute. L’année de la foi qui commence en octobre va nous y aider.
C’est important car trop facilement nous rêvons d’une Eglise qui règnerait sur la société et qui imposerait sa loi aux hommes. Mais ce n’est pas de cette façon que Dieu agit. Il voit ses disciples en grande discussion pour savoir qui est le plus grand ; il prend alors un enfant et le place au milieu d’eux. Dans le monde de la Bible, l’enfant c’est celui qui n’a pas droit à la parole, c’est le dernier de tous. C’est à ce renversement de situation que Jésus nous appelle. Et en même temps, il nous invite à nous montrer attentifs aux petits, aux faibles et aux exclus. Ils ont la première place dans le cœur de Dieu.
A travers ces trois lectures, c’est toute notre vie qui est interpellée. Beaucoup se reconnaissent dans le juste qui souffre. Comment ne pas penser aux personnes malades, mais aussi à ceux qui sont persécutés, victimes de la haine et des calomnies. Nous pouvons aussi nous reconnaître dans l’intrigant qui se laisse prendre à son propre jeu. Mais le Seigneur est là. Il vient nous libérer de cette recherche de nous-mêmes. Nous le prions d’augmenter notre foi, notre amour. Qu’il nous donne de le suivre sur le chemin du service pour aboutir avec lui à la vraie vie.
“Quand la croix est là, donne-nous, Seigneur, de te regarder, de t’écouter, d’entendre ton message en entier. Au-delà de la croix, tu nous annonces toujours la résurrection.” Garde-nous toujours dans cette espérance. Amen
Sources : Feu Nouveau, Signes, Dimanche en paroisse N° 364, pensées sur l’Evangile de Marc (Christph Schönborn), dossiers personnels.
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Merci beaucoup! Le Seigneur vous bénisse. J’y tiens. Bonne Journée!
que le Seigneur continue son inspiration en vous pour aider son peuple.
25ème dimanche ordinaire – année B – 23 septembre 2012 – Evangile de Marc 9, 30-37
L’AUTORITÉ DANS L’ÉGLISE
Dimanche passé, Marc nous a raconté le tournant de la vie missionnaire de Jésus : après la période initiale à travers la Galilée et des premiers contacts avec le monde païen, il a décidé de monter à Jérusalem afin d’y annoncer là aussi la venue du Règne de Dieu. Il connaît bien la capitale, son temple, la hiérarchie de ses grands prêtres, le dogmatisme des scribes théologiens, la crispation des pharisiens sur des observances minutieuses. Il est décidé à dénoncer la cupidité de certains et l’hypocrisie des autres, à contester ce système qui a enfermé la Loi divine dans un carcan, et fait du culte un ritualisme creux. Il sait, en conséquence, ce qui l’attend: d’emblée il a annoncé à ses disciples qu’il serait refusé, condamné et mis à mort. Mais, sur ce chemin qui l’épouvante, il ne doute pas que son Père qui l’a envoyé l’abandonne jamais. Par le don total de lui-même, viendra enfin le Royaume que ses enseignements et ses miracles n’avaient pu qu’esquisser. Aujourd’hui nous voyons Jésus en route, traversant la Galilée, décidé à parvenir à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Il tient à rester incognito pour éviter tout enthousiasme populaire et en privé il réitère la même annonce à ses proches.
Jésus traversait la Galilée avec ses disciples et il ne voulait pas qu’on le sache car il les instruisait en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes : ils le tueront et, trois jours après, il ressuscitera ». Les disciples ne comprenaient pas ses paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Les apôtres, comme beaucoup de disciples, séduits par la puissance de l’enseignement de Jésus et émerveillés par les guérisons qu’il accomplit, sont persuadés qu’il est le Messie qui va provoquer l’insurrection à Jérusalem et rendre à Israël son indépendance. Jésus tente de les détourner de cette folle perspective mais ils ne peuvent accepter l’annonce de la mort inévitable et ils craignent même de le questionner pour qu’il leur explique sa décision et son issue. Un curé oserait-il annoncer à sa paroisse sur quel chemin de souffrance elle doit avancer ? Parlons renouveau de « l’église », peinture, achat d’un crucifix…..mais non renouveau de « l’Eglise » et croix !
Jésus va de l’avant et, comme les autres maîtres itinérants, marchant en tête du groupe, il perçoit les échos des débats parfois vifs qui éclatent entre ses disciples. Cela lui sera l’occasion d’un enseignement sur la vie en communauté chrétienne.
AUX RESPONSABLES DE COMMUNAUTES CHRETIENNES
Ils arrivèrent à Capharnaüm et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? ». Ils se taisaient car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand !
Lors de la première annonce de la Passion, Pierre s’était rebiffé et « prenant Jésus à part, lui avait fait de vifs reproches » (8, 32 – dimanche passé) : ici tous les disciples révèlent leur aveuglement. Le Maître vient de prédire à nouveau son destin de souffrances et eux, convaincus qu’il va établir un Royaume glorieux, se chamaillent sur les préséances : qui parmi nous est le plus apte, qui obtiendra la place la plus honorable ? Rivalités, compétitions, jalousies : il faut beaucoup de temps, même aux responsables, pour se convertir à l’Evangile !
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».
Certains possèdent les capacités d’organiser le travail collectif, d’autres, emportés par le zèle, brûlent de se dévouer davantage pour l’extension du Royaume : il est excellent de vouloir mettre en œuvre tous ses talents en vue de la mission mais Jésus enseigne que l’exercice de l’autorité dans l’Eglise est tout autre que dans le monde. Le sommet de la vocation chrétienne est de se mettre au service des autres.
Que les responsables ne rêvent donc pas de costumes d’apparat, de trônes, de décorations, d’applaudissements, mais de tabliers et de critiques. Pas de coups d’encensoir mais de trique !
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa et leur dit : « Celui qui accueille en mon Nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille… ».
Dans le texte parallèle de Matthieu, Jésus demande aux Douze de changer et de devenir comme cet enfant, condition pour entrer dans le Royaume (Matt 18, 3). Ici, Jésus commence par se pencher sur le petit pour l’embrasser, comme pour montrer qu’il lui ressemble, qu’il s’associe à lui. Par ce geste parabolique il fait comprendre à ses Apôtres qu’au lieu d’exercer leur autoritarisme et de vouloir diriger les croyants par des ordres sans appel, il leur faudra les respecter comme des petits, fragiles et vulnérables. Ainsi par la douceur et l’humilité, reconnaissant en tout croyant « un petit frère » ou « une petite sœur », ils accueilleront Jésus lui-même.
« … Et celui qui m’accueille, ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé ».
Révélation immense de la première « présence réelle »: en s’ouvrant à Jésus présent dans le petit croyant, c’est Dieu son Père lui-même qu’ils accueilleront.
On voit ici le bouleversement opéré par ce moment charnière de l’Evangile. Au début de la mission, les disciples écoutaient un programme que Jésus leur enseignait et ils se mettaient à le suivre dans la perspective d’un Royaume que Dieu instaurerait dans l’avenir. A présent que Jésus annonce sa Pâque, son passage par la souffrance et la mort pour entrer dans la Résurrection, une conversion radicale doit s’effectuer : le Royaume, c’est la Personne même de Jésus Seigneur.
En s’abaissant pour se mettre à la portée du croyant et l’aider à grandir dans la foi, l’Apôtre est amené à comprendre qu’il doit renoncer à ses rêves de grandeur, s’humilier, non par ascèse mais par amour de l’autre, pour servir et non dominer, pour descendre jusqu’à accepter de donner sa vie pour ses frères.
Ainsi il pénètre dans le mystère du Christ Serviteur et Seigneur et sa foi lui permet d’accueillir Dieu en lui. Devenu « fils » de Dieu, il est dans le Royaume. L’Apôtre ne doit plus imaginer un monde qui serait un jour transformé et où il serait ravi d’occuper une bonne place, projection de ses rêves. Sa foi nouvelle lui fait accueillir Jésus vivant. Il est donc dans le Royaume tel que Jésus le fonde.
CONCLUSIONS
– On sait que le Jésus de Marc n’est guère bavard : pris par l’urgence, il bouge, circule, agit, lance ici et là une petite phrase. Ici, au cours d’un entretien privé avec ses apôtres, il leur tient un petit discours – qui sera poursuivi dimanche prochain. Si bien que Marc ne présente que 3 discours de Jésus :
d’abord pour expliquer ce qu’est le Royaume de Dieu grâce à des paraboles (4, 1-34) : leçon sur la FOI CONFIANCE
ici (9, 33-50) : enseignement sur l’AMOUR CHARITE
et plus tard, devant le refus obstiné des autorités, il annoncera la fin du temple et les persécutions à venir (13, 1-37) : exhortation à l’ESPERANCE.
Croire que le projet de Dieu d’une humanité réconciliée se réalise dans le vif de l’histoire, bâtir de petites communautés sur l’amour mutuel et le service, garder l’espérance à travers les épreuves : dès le premier évangile, « les trois vertus théologales » définissent le cœur de l’existence chrétienne.
— L’Eglise, comme toute communauté, doit bien être organisée et certains disciples sont donc appelés à assumer des responsabilités mais « celui qui veut être le premier doit être le dernier, le serviteur des autres ». Hélas les disputes sur les préséances, les manœuvres pour obtenir un titre, un siège d’apparat ou même un plus beau chapeau, les rivalités mesquines, les jalousies et le carriérisme gangrènent encore l’esprit des meilleurs. Et les moindres charges dans une communauté de village peuvent exciter des ambitions démesurées. Seigneur, garde-nous dans l’esprit d’enfance.
Raphaël D
Quand je vous lie je me reconnait dans vos reflexions. merci pour ces méditations pertinentes.
je vous assure que vos reflections m’édifient. Merci pour tout!